KANAL, Magazine, Juin, Nr 8, P. 68, by SYLVIE PHILIPPON
L'ART SÉRIEL SELON EBERHARD BOSSLET`
Né à Speyer en Allemagne de l'Ouest en l953, travaillant à Berlin et à Duisbourg, Eberhard Bosslet vient de montrer son travail pour la première fois en France. Dans l'espace de la galerie Le Gall-Peyrolet, I'artiste a pu réaliser une installation appartenant à cette étonnante série des "Supporting measures".
Les parties d' un système n' ont pas
d importance en elles-même et n' ont
d' intérêt que dans la mesure où elles sont
utilisées dans le système logique du tout qui les contient.
Bien que n'ayant pas suivi les cours de la Kunstakademie de Düsseldorf - bastion de la tendance architecturale de la sculpture allemande - l'art très matérialiste d'Eberhard Bosslet touche au langage de l'architecture et à la rhétorique de l'espace. Cependant dans ses réalisations et contrairement aux artistes de Düsseldorf, on ne rencontre aucune vision d'utopie, ni critique. Pour aller droit aux choses, leur élaboration se fait autour de trois maîtres mots: structure, système et sérialité. En cela, Eberhard Bosslet rejoindrait le mode de pensée systémique de l'art minimal et cette sorte de position structurale dont parle Carl Andre. Le développement de son activité commencée en 79 pourrait d'ailleurs être mis en rapport avec ce que l'artiste américain résume à un processus qui va de la forme à la structure et qu'il développe de la façon suivante: "Mon aphorisme en ce qui conce ne le lieu - aphorisme qui 's applique à mon travail - est que je passe de la forme de la sculpture à la structure de la sculpture et enfin à l' emplacement de la sculpture. Je ne veux pas faire de cette séquence un dogme. J' essaie de décrire ce qui m' est arrivé en tant qu' artiste". Parmi les premiers travaux d'Eberhard Bosslet figurent en 83 les "Interventions", réalisations faites en extérieur aux Iles Canaries qu'il faut d'emblée se garder d'interpréter et de limiter à des earthworks (il en va de même pour certaines réalisations de Carl Andre comme "Exogyne"). Les Interventions sont de simples cernés blancs sur les contours de ruines, de simples tracés architectoniques à la peinture qui dessinent implicitement des formes fermées. Par la suite et jusqu'à aujourd'hui, son activité va se diviser très lisiblement en trois types de travaux, interdépendants: les peintures bicolores sur asphalte ou aluminium dont les jeux de formes (ou plutôt découpes) rappellent les Interventions, les sculptures qui fixées au mur ou non utilisent dans une technique de montage (addition) des matériaux à usage professionnel (exclusivement des meubles de bureau à tiroirs) et mettent en exergue certaines données visuelles telles que lignes, jointures, angles, de même qu'une symétrie sans axe et enfin les installations, les fameuses "Supporting measures" qui assurent de plein droit une reconnaissance supple mentaire à l'artiste.
Les "Supporting measures" (en français, mesures de soutènement) qui offrent encore plus que les autres travaux de l'artiste une remarquable i ndividualité matérielle, sont des structures architectu rales capables de renforcer visuellement l'archi tectonie d'un lieu tout en lui étant inassimilables. Réalisés également avec des matériaux d'usage professionnel, principalement avec des étançons utilisés sur les chantiers (qui donneront cette impression à la fois de pousser et de supporter les sols et plafonds des galeries ou musées qui les contiennent), ces arrangements offrent souvent eux aussi en raison d'actions de succession, de permutation, d'inversion des termes qui les constituent, une symétrie sans axe. A cause de leurs structures clairement visibles et simplement ordonnées, l'ordonnance en elle-même est l'œuvre d'art.
De Muybridge à Graham en passant par Andre, Judd, LeWitt, Smithson, Ruscha etc., I'art sériel dans ses combinaisons abstraites et rigoureuses s'est donné á voir refermé sur lui-même et nonréférentiel. L'art d'Eberhard Bosslet qui lui aussi pratique cette méthodologie sérielle ne déroge pas à cette régle. En conséquence, le mobilier de bureau qu'i1 utilise ne peut être compris comme un détournement d'objet susceptible de manifester une critique sociale. Cette distinction, qui éloigne Bosslet des sculpteurs de Düsseldorf, fait sa particularité. Celle d'un art strictement formel et perceptuel.
Sylvie Philippon
L'ART SÉRIEL SELON EBERHARD BOSSLET`
Né à Speyer en Allemagne de l'Ouest en l953, travaillant à Berlin et à Duisbourg, Eberhard Bosslet vient de montrer son travail pour la première fois en France. Dans l'espace de la galerie Le Gall-Peyrolet, I'artiste a pu réaliser une installation appartenant à cette étonnante série des "Supporting measures".
Les parties d' un système n' ont pas
d importance en elles-même et n' ont
d' intérêt que dans la mesure où elles sont
utilisées dans le système logique du tout qui les contient.
Bien que n'ayant pas suivi les cours de la Kunstakademie de Düsseldorf - bastion de la tendance architecturale de la sculpture allemande - l'art très matérialiste d'Eberhard Bosslet touche au langage de l'architecture et à la rhétorique de l'espace. Cependant dans ses réalisations et contrairement aux artistes de Düsseldorf, on ne rencontre aucune vision d'utopie, ni critique. Pour aller droit aux choses, leur élaboration se fait autour de trois maîtres mots: structure, système et sérialité. En cela, Eberhard Bosslet rejoindrait le mode de pensée systémique de l'art minimal et cette sorte de position structurale dont parle Carl Andre. Le développement de son activité commencée en 79 pourrait d'ailleurs être mis en rapport avec ce que l'artiste américain résume à un processus qui va de la forme à la structure et qu'il développe de la façon suivante: "Mon aphorisme en ce qui conce ne le lieu - aphorisme qui 's applique à mon travail - est que je passe de la forme de la sculpture à la structure de la sculpture et enfin à l' emplacement de la sculpture. Je ne veux pas faire de cette séquence un dogme. J' essaie de décrire ce qui m' est arrivé en tant qu' artiste". Parmi les premiers travaux d'Eberhard Bosslet figurent en 83 les "Interventions", réalisations faites en extérieur aux Iles Canaries qu'il faut d'emblée se garder d'interpréter et de limiter à des earthworks (il en va de même pour certaines réalisations de Carl Andre comme "Exogyne"). Les Interventions sont de simples cernés blancs sur les contours de ruines, de simples tracés architectoniques à la peinture qui dessinent implicitement des formes fermées. Par la suite et jusqu'à aujourd'hui, son activité va se diviser très lisiblement en trois types de travaux, interdépendants: les peintures bicolores sur asphalte ou aluminium dont les jeux de formes (ou plutôt découpes) rappellent les Interventions, les sculptures qui fixées au mur ou non utilisent dans une technique de montage (addition) des matériaux à usage professionnel (exclusivement des meubles de bureau à tiroirs) et mettent en exergue certaines données visuelles telles que lignes, jointures, angles, de même qu'une symétrie sans axe et enfin les installations, les fameuses "Supporting measures" qui assurent de plein droit une reconnaissance supple mentaire à l'artiste.
Les "Supporting measures" (en français, mesures de soutènement) qui offrent encore plus que les autres travaux de l'artiste une remarquable i ndividualité matérielle, sont des structures architectu rales capables de renforcer visuellement l'archi tectonie d'un lieu tout en lui étant inassimilables. Réalisés également avec des matériaux d'usage professionnel, principalement avec des étançons utilisés sur les chantiers (qui donneront cette impression à la fois de pousser et de supporter les sols et plafonds des galeries ou musées qui les contiennent), ces arrangements offrent souvent eux aussi en raison d'actions de succession, de permutation, d'inversion des termes qui les constituent, une symétrie sans axe. A cause de leurs structures clairement visibles et simplement ordonnées, l'ordonnance en elle-même est l'œuvre d'art.
De Muybridge à Graham en passant par Andre, Judd, LeWitt, Smithson, Ruscha etc., I'art sériel dans ses combinaisons abstraites et rigoureuses s'est donné á voir refermé sur lui-même et nonréférentiel. L'art d'Eberhard Bosslet qui lui aussi pratique cette méthodologie sérielle ne déroge pas à cette régle. En conséquence, le mobilier de bureau qu'i1 utilise ne peut être compris comme un détournement d'objet susceptible de manifester une critique sociale. Cette distinction, qui éloigne Bosslet des sculpteurs de Düsseldorf, fait sa particularité. Celle d'un art strictement formel et perceptuel.
Sylvie Philippon
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